Newsletter 28 (Avril 2012)

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Dans cette nouvelle Newsletter cd2-conseils, nous aborderons un sujet qui fait polémique en ce moment; les radiographies dentaires sont-elles à l’origine de méningiomes et nous vous demanderons de répondre à un petit questionnaire dans le cadre de l’évolution de la formation PCR.

De l’innocuité des radiographies dentaires

L’article intitulé « Dental X-Rays and Risk of Meningioma » paru dans la revue Cancer le 10 avril dernier a eu un écho assez important dans la presse anglo-saxonne et dans une moindre mesure française. Alors, que penser des conclusions de cette étude qui suppose que la prise de certains types de radiographies dentaires à une époque à laquelle les doses délivrées étaient plus importantes que maintenant augmenterait le risque de méningiomes ? Voici quelques éléments de réponse.

Méningiome intracrânien

Cette étude porte sur la fréquence de survenue de méningiomes intracrâniens qui sont classiquement des tumeurs bénignes bien circonscrites d’évolution lente. Ils peuvent être à l’origine de symptômes neurologiques plus par compression que par envahissement du parenchyme cérébral.

Les méningiomes représentent environ 15 à 20 % des tumeurs intracrâniennes. Ces tumeurs sont deux fois plus fréquentes chez la femme que chez l’homme. L’incidence est comprise entre 0,4 et 4,9 cas pour 100 000 chez les hommes et entre 0,8 et 7,6 cas pour 100 000 chez les femmes. Elle augmente dans la 2e moitié de la vie avec un pic dans la cinquième décennie.

Les facteurs de risque de développer un méningiome les plus fréquemment décrits sont les antécédents d’irradiation cutanée dans l’enfance pour une lésion bénigne et ceux de traumatisme crânien, avec des risques relatifs respectivement de 9,5 (extrêmes : 3,5-25,7) et 6,2 (extrêmes : 1,2-31,7).

Le fait que les méningiomes soient observés plus fréquemment chez les femmes, qu’un cancer du sein et un méningiome se développent chez une même patiente plus souvent que ne le voudrait le hasard, qu’une accélération de la croissance des méningiomes ait été observée lors de la grossesse et enfin, la présence de récepteurs à la progestéroneprogestérone et aux estrogènesestrogènes sur les cellules de méningiome ont fait suspecter une influence hormonale.
Source : Rôle de la radiothérapie dans le traitement des méningiomes cérébraux – EM|consulte

Lecture critique de l’étude

Cette étude a été publiée dans Cancer, journal officiel de l’American Cancer Society. Il n’en reste pas moins vrai que cette étude porte sur une tumeur avant tout bénigne.

Recueil des informations

Les informations ont été recueillies au cours d’un entretien téléphonique. Il était demandé aux patients le nombre d’examens rétrocoronaires (bitewing), de status (full-mouth) et de panoramiques qu’ils avaient recu au cours de 4 périodes de leur vie :

  • Moins de 10 ans,
  • De 10 à 19 ans,
  • De 20 à 49 ans
  • 50 ans et plus
Il n’existe pas actuellement de registre facilement accessible permettant de relever l’ensemble des examens radiologiques dont une personne a pu bénéficier. Il est donc difficile de faire mieux que de s’en remettre aux souvenirs des patients dans ce type d’étude rétrospective.
Néanmoins, et les auteurs de l’étude l’admettent, ce type de recueil d’information aboutit immanquablement à des biais statistiques.

Le questionnaire portait aussi sur d’éventuelles expositions aux rayonnements ionisants dans le cadre d’un radiodiagnostic ou d’une radiothérapie.
Mais seules les personnes ayant subi un traitement de radiothérapie ont été éliminées de l’étude.

Il est pourtant établi que des expositions d’autres parties du corps peuvent engendrer des irradiations de la tête par rayonnement diffusé. Ceux-ci seront certes moins importants dans le cas de radiodiagnostic que dans celui de radiothérapie, mais il n’en demeure pas moins que cela constitue une nouvelle source d’imprécision.
Comme expliquée ci-dessous, la faible irradiation due aux radiographies dentaires peut être « noyée » dans d’autres sources d’irradiations (radiodiagnostics d’autres parties du corps, exposition aux rayonnements naturels …).

Doses en dentaire … et ailleurs

Avant de parler spécifiquement des doses délivrées par les radiographies dentaires, il est utile de rappeler quelques faits importants.

Nous sommes constamment soumis à des irradiations naturelles (telluriques, cosmiques, par les aliments …). Celles-ci varient d’une région à l’autre en fonction de la nature du sol ou de l’altitude par exemple (Ile de France: 2,4 mSv/an, Bretagne: 3,6 mSv/an, Alpes: 3,1 mSv/an).

En plus des irradiations naturelles, certains d’entre nous sont plus ou moins exposés à des irradiations artificielles, parmi lesquelles les expositions médicales sont les plus importantes.

Les sources de rayonnements ionisants auxquelles nous sommes exposés.
Les pourcentages indiquent la part des différentes sources dans la dose moyenne annuelle d’exposition en France (3,4 mSv/an). Source ASN.

 

En observant la répartition des expositions médicales, il est évident que la part due aux radiologies dentaires, même si celles-ci constituent un nombre significatif d’actes, est extrêmement faible.
Les radiographies dentaires représentent 24,7% des actes réalisés en 2007, mais seulement 0,2% de la dose efficace collective.
Expositions médicales : Répartition de la fréquence des actes et de la dose efficace collective par type d’exploration diagnostique, France entière, 2007. Source IRSN.

Cela tient au fait que les radiologies dentaires délivrent des doses extrêmement faibles aux patients en comparaison des doses délivrées en radiologie médicale ou en médecine nucléaire.

L’IRSN dans sa FAQ dentaire très bien réalisée indique les informations suivantes :
Les doses efficaces sont de :
– 1 à 8 µSv pour un cliché intra-buccal ;
– 4 à 30 µSv pour un panoramique ;
– 2 à 3 µSv pour une étude céphalométrique.

(1 µSv = 0,001 mSv)

Ainsi, les doses délivrées par les clichés intra-buccaux et céphalométriques sont faibles, habituellement équivalentes à moins d’une journée d’exposition naturelle.
Les doses délivrées par le panoramique sont plus variables, mais même celles qui se situent dans la fourchette haute sont équivalentes à quelques jours d’irradiation naturelle.

L’illustration ci-dessous montre la répartition de certaines irradiations naturelles ou artificielles à comparer à la dose reçue lors d’une radiographie panoramique (0,006 mSv).


Source IRSN, voir aussi le dossier du CEA.
Sur l’illustration ci-dessus, les doses ponctuelles les plus faibles sont en relation avec une radiographie panoramique et un vol transatlantique A/R.
Il y a fort à parier qu’actuellement, avec le développement des transports aériens, tant pour des raisons professionnelles que de loisir, une partie de plus en plus importante de la population reçoit des doses plus importantes en raison des vols effectués qu’en fréquentant les cabinets dentaires.
Pour les personnes qui prennent régulièrement l’avion, il existe le site Sievert permettant de calculer la dose de rayonnements reçue au cours d’un vol.
Un vol intérieur en France (Lille-Nice) équivaut à une dose supérieure à celle d’une radiographie endo-buccale.
En ce qui concerne les États-Unis, un vol New-York-Seattle qui dure 6 h 30 expose les passagers à une dose de rayonnement supérieure à ce qu’un patient est susceptible de recevoir en un an dans un cabinet dentaire.
Connaissant la facilité avec laquelle les Américains prennent l’avion, il est étonnant que cette information ne soit pas prise en compte dans l’étude parue dans Cancer.
Exemples de doses sur des vols intérieurs en France ou aux États-Unis. Source Sievert.
La comparaison des doses des examens dentaires (0,003 mSv pour un cliché intra-buccal et 0,006 mSv pour une panoramique) avec les doses délivrées en radiologie médicale ou en médecine nucléaire montre que les doses dues aux examens dentaires sont négligeables par rapport aux autres examens.

Source ASN.

C’est pour cette raison que le fait de ne pas avoir tenu compte dans l’étude américaine des autres examens pratiqués chez les patients peut être source d’erreurs. En effet d’un point de vue épidémiologique, il est extrêmement difficile de mettre en évidence le rôle d’un facteur (ici les radios dentaires) lorsque les effets de ce facteur peuvent être masqués par d’autres facteurs (ici les examens de radiodiagnostics qui engendrent des rayonnements diffusés au niveau de tout l’organisme).

Comparaison des pratiques

La comparaison des pratiques en matière de prises de clichés entre les praticiens français et américains est riche d’enseignements.

Systématisation des clichés

En France, il a toujours été interdit de réaliser un cliché qui n’est pas justifié. L’examen radiologique est un examen complémentaire qui est réalisé après un examen clinique minutieux et en estimant le ratio bénéfice/risque pour le patient.
Il existe dans tous les domaines utilisant les rayonnements ionisants des Guides de bonnes pratiques. Celui qui doit être utilisé en cabinet dentaire se nomme Guide des indications et des procédures des examens radiologiques en odontostomatologie. Rédigé en 2006, il liste l’ensemble des indications pour lesquelles un chirurgien dentiste peut être amené à réaliser des clichés et comment les réaliser en délivrant la dose la plus faible possible.

Tous les chirurgiens dentistes français ont reçu une formation à la radioprotection des patients qui se base sur ce document. Cette formation, à renouveler tous les 10 ans, devait être suivie avant juin 2009.

Aux USA, avant 2006, l’American Dental Association (ADA) préconisait, même chez des patients ne présentant pas de pathologie, de réaliser systématiquement une radio:

  • Tous les 1 an ou 2 pour les enfants,
  • 1 an et demi à 3 ans pour les adolescents,
  • Tous les 2 à 3 ans pour les adultes.

En 2006, l’ADA a revu ses préconisations en mettant l’accent sur la nécessité d’examiner le patient et de juger du rapport bénéfice/risque avant de décider de faire une radio.

Nombre d’actes réalisés

Le rapport de l’IRSN/InVS L’exposition de la population aux rayonnements ionisants liée au diagnostic médical augmente en France, indique qu’aux États-Unis en 2006, les chirurgiens dentistes ont réalisé environ 1 600 clichés pour 1 000 habitants. Cette valeur est très largement supérieure à ce qui est pratique dans l’ensemble des pays européens. Même en Suisse et en Suède, les deux pays dans lesquels le plus grand nombre de radios dentaires pour 1000 habitants est réalisé, ce nombre reste inférieur à 800.

En 2007, en France, nos confrères ont réalisé environ 300 clichés pour 1 000 habitants. Cela met en évidence la différence d’approche qu’ont les chirurgiens dentistes français vis-à-vis des radios.

Type de matériel & contrôles

Alors que la grande majorité des cabinets dentaires français utilisent des systèmes numériques pour la prise des clichés, il semblerait que cela soit loin d’être le cas aux USA. La mise à jour des préconisations de l’ADA qui date de 2006 ne mentionne même pas l’usage de capteurs numériques. Elle se borne à inciter nos confrères américains à utiliser des films argentiques rapides pour diminuer les doses par cliché.

Un document de la FDA Dental Radiography: Doses and Film, mis à jour fin 2009, encourage aussi les praticiens à changer de film pour limiter les doses.
Il n’est pas non plus fait mention de systèmes numériques alors qu’il est admis que ceux-ci peuvent diminuer de plus de la moitié les doses par rapport aux systèmes argentiques.

Pour terminer, il est important de souligner que les générateurs dentaires sont en France soumis à des contrôles techniques et d’ambiance ainsi qu’à des contrôles qualité réguliers. Ces contraintes permettent de maintenir un parc de générateurs radiologiques de qualité en France.
En conclusion, cette étude même imparfaite est très intéressante. Elle montre la nécessité de poursuivre les investigations en la matière. Cela ne peut qu’améliorer la sécurité de nos patients et conforter nos confrères dans leurs choix lors de la justification des examens.
Les informations apportées par cette étude doivent encourager l’ensemble des confrères à suivre scupuleusement la réglementation et les préconisations du Guide des indications et des procédures des examens radiologiques en odontostomatologie.

 


Enquête sur le nombre de générateurs

Comme vous le savez, les modalités de la formation PCR vont évoluer. Il y aura 3 niveaux de formation. Le premier niveau sera, entre autres, ouvert aux chirurgiens dentistes.

Afin de rendre cette formation la plus adaptée possible aux cabinets dentaires, nous avons besoin de connaître deux choses :

  • Le nombre de générateurs actuellement présents dans votre cabinet. Si vous avez des informations sur plusieurs cabinets, vous êtes invités à nous les communiquer.
  • Le nombre de générateurs que l’on sera susceptible de trouver dans un cabinet de groupe d’ici quelques années. En effet, de plus en plus de praticiens s’associent d’où un nombre de générateurs plus important dans le même établissement. D’ici 5 à 10 ans, quel sera le nombre moyen de générateurs dans ces structures d’après vous ?

Nous souhaitons recueillir vos informations à l’aide de ce très court questionnaire en ligne (enquête terminée).
Nous vous remercions du temps que vous nous consacrerez.

Nous espérons que cette Newsletter cd2-conseils vous a plu et nous attendons vos remarques et suggestions pour l’améliorer.

Bien cordialement,

L’Equipe cd2-conseils